Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Hussarde
La Hussarde
Newsletter
Derniers commentaires
9 octobre 2014

La Haute Garde

16376971_p

image : Luis Royo

Ils ne sont plus nombreux. 

Le vent souffle à arracher les branches, les arbres centenaires tiennent encore le coup mais on craint que cette fois ce soit une de trop, que la tempête finisse par en avoir raison. La terre crevassée s'ouvre sous nos pieds, de partout. Au vent terrible se mêle le bruit répété, obsédant, trop connu maintenant, des déflagrations, on ne sait même pas d'où elles viennent avec ce vent qui brouille les pistes, qui brouille tout. Je suis épuisée. La nuit on se réfugie comme on peut sous les roches d'une grotte dans les bois, dans une grange abandonnée, ou bien ils fabriquent un abri de fortune. Quand j'ai trop froid, ou qu'une blessure est restée ouverte, l'un d'eux s'approche de moi, nettoie comme il peut la plaie, vidant le reste de sa gourde remplie laborieusement aux rares points d'eau sur la route, sur ma chair blessée, ou bien me cède son manteau, et reste presque nu, affrontant le froid de la nuit et veillant mon sommeil agité. Je les aime mes hommes.

Ceux-là ce sont les vrais, les purs, les durs, les rares, les plus beaux, les plus valeureux, ils ne sont plus nombreux, tous les autres ont fini par quitter la guerrière, celle qu'on appelait la Générale, la guerre me les a pris, impitoyable, increvable, éternelle, je ne sais pas quand elle finira, je n'en peux plus de me battre, je suis si fatiguée, heureusement qu'ils sont là eux, je les aime...Je sais qu'ils ne m'abandonneront jamais eux. Je sais qu'ils la braveront avec moi jusqu'à la fin de la fin, je sais qu'ils me tiendront la main tant que j'avancerai, tant qu'il me restera un tout petit peu de force - et ce peu de force il m'en reste justement parce qu'ils sont toujours là, étrange rapport transverse.

Pourtant ça fait si longtemps que je me bats, à chaque fois j'ai cru qu'enfin ça allait finir, un peu comme un horizon qui s'approche, une chimère en fait, la fin de la guerre n'existe-t-elle pas quelque part, à un moment donné, je voudrais m'arrêter...me reposer...avec eux...Je voudrais aussi leur donner quelque chose, une vraie récompense, pour tant d'amour, de courage, de puissance, d'indulgence envers leur guerrière, mais quoi, mes mains sont vides, à part mes armes je n'ai rien, même mes yeux sont vides tant je souffre, je n'ai plus rien à partager que ma peine, ma peine immense de  faire la guerre comme une machine, de les avoir entraînés là, eux si beaux, si forts, si purs, ils auraient pu partir avec les autres, il y a eu plein d'occasion, non ils sont restés là avec moi, le peloton de tête, mes hommes d'armes, ceux de la Très Haute Garde.

Est-ce que juste ma gorge serrée en écrivant ces mots pour eux ça suffira à compensser le ventre vide, la faim, la solitude, le silence, l'éloignement, le sang versé, l'aide indéfectible ? Est-ce que juste mes larmes quand leurs voix mâles et graves me parlent comme des caresses, juste quand je m'accorde une seconde de répit et que je pose ma tête lasse contre leur épaule, est-ce que ça peut leur dire combien je voudrais tant leur offrir un jour beaucoup plus, la victoire, la fin de la guerre ?...

Merci à Franck, Patrick G., Pascal, Grégoire V.,Daniel, Patrick B., Grégoire D.

 

Publicité
Commentaires
J
Bonjour Val, de la difficulté à surmonter les épreuves de la vie et les épreuves sportives , il faut toujours compter , en plus de l'entrainement physique , sur un très bon mental. Que ton week end soit des plus profitables.
P
Oui ça suffit amplement ma belle Générale...Et l'unique récompense que désirent tes hommes tu le sais est d'en être toujours...Toujours auprès de toi, jamais très loin, et si parfois un sourire éclaire ton visage, si parfois le sommeil parvient à t'apaiser, si ton rire éclate comme celui d'une enfant...alors là c'est un cadeau unique.
M
Vous n'êtes pas seule. Vous ne serez jamais seule. Pensées.
M
En effet, l'Eronaute, les temps sont durs. Et j'ai bien peur que cette tempête ci ne dure un certain temps. Pour beaucoup.<br /> <br /> <br /> <br /> Souvent je me suis interrogé sur l'échec de ces grands sportifs après telle ou telle épreuve. Hier, l'or était à leur portée, aujourd'hui ils ne reçoivent que l'indifférence de la foule, les quolibets souvent, les couronnes d'épines parfois. Et pourtant, ce peut-il que leurs qualités disparaissent en si peu ? Rien ne change en fait, c'est juste une question de perception, de mental disent certains. Il faut qu'un "étrange rapport transverse" opère pour redonner confiance et remettre l'or à portée d'espoir.<br /> <br /> <br /> <br /> Tiens bon, j'en suis certain tu vas t'en tirer. Sans doute avec quelques plumes un peu roussies, quelques illusions un peu écornées, mais bon, c'est la vie. Je pense parfois à ton Aïeul, B., qui jamais n'a renoncé, quel exemple ! Alors serre les dents, et fonce. Comme Lui.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne peux guère t'envoyer d'ici plus que quelques encouragements.
L
Ah, ma Générale ! Les temps sont durs...<br /> <br /> Je n'ai plus qu'une flotte de misère et mon navire amiral n'a plus l'allure altière d'antan, lorsqu'il cinglait toutes voiles dehors, se jouant des tempêtes. De mon équipage dispersé dans les tavernes de tous les ports où nous faisions relâche, il ne reste plus que quelques rares fidèles qui savent encore me réchauffer lors des longs quarts de nuit. Nous tirons des bords le long de la côte, nous louvoyons : de loin, je suis votre retraite. La lumière de vos feux tremblotant, la nuit, me servent de repère. Je vous suis, oui. Prêt à débarquer au moindre appel de votre part ! Les cales de ma Brigantine sont vides mais j'ai encore de la poudre, de la mitraille et quelques bon boulets... Tenez bon !
La Hussarde
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 12 422
Publicité