photo : Jean-Louis Grieg

Ainsi c'est aux portes des enfers que je dois te laisser, malgré tous mes efforts, il ne peut en être autrement.

Ainsi tu ne te souviendras de rien, tu ne rattraperas pas le temps. Je veux croire cependant que le chemin n'a pas été vain, que celui qui est là aujourd'hui n'est plus, ne sera plus jamais le même qu'avant. Quand je te regarde, je reconnais, inexorable, ineffable, évidente, la marque de fabrique, la mienne.

J'ai persisté et j'ai signé mon oeuvre. Je l'ai parachevée avec mes larmes, mon sang, ma vie, mon sommeil perdu, ma chair blessée, mon coeur déchiré. Mais je l'ai terminée. Je suis quand même contente de moi. Le résultat n'est pas vraiment celui que j'escomptais, parfois l'artiste est dépassé par son oeuvre il faut croire, enfin c'est une lapalissade, une vérité éculée que je dis là, mais elle s'applique en l'occurence.

En digne fille de Pygmalion je dois en être fière.

Il serait, que dis-je, il est fier de moi, Lui. Mon Père.

Je sais qu'en toi le manque, le vide, la place sera terrible, une ornière, une plaie, le lit d'une rivière où l'eau ne reviendra pas, j'ai pitié parce que quand même tu es un homme, mais je dois sauver ma peau.

J'aurais aimé que ce soit ailleurs, pas là dans ce grand champ dévasté au milieu de nulle part, je sais tu es coûtumier des no man's land. No woman's land...Il y a cependant des fleurs rouges ça met un peu de lumière dans le paysage, dans l'ombre...Il y a aussi les éclairs, les mêmes qu'au premier jour déjà, l'orage ne fut jamais absent faut-il croire. Hélas.

Et des monceaux de ciel, et l'éternité toute entière qui sépare à la faux les âmes désunies.
Seuls crient dans ce désert les corps perdus.

Pygmalione et Galathéus

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